Page:Eyma, Les peaux noires, Lévy, 1857.djvu/222

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traîné dans le tourbillon des plaisirs, des fêtes, du luxe, des chevaux, du jeu, des amours si faciles là-bas, des galanteries également enivrantes à tous les étages. Après une semaine, il se trouvait comme le roi de ce monde raffiné.

André était digne à tous égards de cette royauté. Gentilhomme dans toute l’acception du mot, il s’imposait, de gré ou de force, à tous ceux qui l’approchaient.

Au jeu où, dans ce pays, on risque sur le moindre coup de carte des écuelles pleines de doublons, on citait son insouciance dans la perte et sa froide raison dans le gain ; au paseo et au laméda (les deux promenades à la mode de la Havane), ses volantes étincelaient d’or.

Quand il traversait la ville sur un de ses chevaux, on se mettait aux balcons pour le voir, les senoras en se cachant derrière leurs éventails, les filles de couleur ou les femmes de la bourgeoisie en le regardant effrontément.

Il avait disputé bravement, l’épée à la main, la joie de ramasser une de ces roses que les Havanaises portent perpétuellement dans leurs cheveux, et qui était tombée à ses pieds du haut d’un balcon.

Enfin, il avait pour lui sa beauté, sa grâce, son élégance, son esprit que la renommée doublait ; en plus, la jalousie lui faisait un cortége splendide de calomnies et de haines.

On comprend donc qu’André ne fût pas pressé de quitter la Havane pour aller s’enfermer sur son habitation de Fitges.