Page:Eyma, Les peaux noires, Lévy, 1857.djvu/232

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— Certes.

— Adieu.

La femme voilée se disposait à s’éloigner. André l’arrêta par le pan de sa jupe.

— À l’église San-Francisco, lui dit-il, c’est bien ; mais à quel signe reconnaîtrai-je la dame ?

— Il n’est pas besoin que vous la reconnaissiez, pourvu qu’elle vous reconnaisse. Seulement, tenez-vous près de la grande porte, à droite du bénitier, et prêtez bien l’oreille aux paroles qui se diront autour de vous.

— J’écouterai. Mais, dites-moi, messager de bonheur, la dame est-elle jeune, au moins ?

— Elle a l’âge que peut avoir, avant le lever du soleil, la fleur éclose sous la rosée de la nuit.

— Cela n’est pas très-clair ; mais cela promet. Est-elle jolie ?

— Il n’y a pas, répondit la femme au voile noir, une seule étoile en ce moment au ciel que l’éclat de ses yeux ne fasse pâlir. Et si vous entendez par les rues une chanson où l’on exalte la beauté, sachez que c’est elle qui l’inspire. On devient poëte en l’adorant. À demain donc !…

— À demain… À propos, son nom ?

— Et puis, quoi encore ? Ah ! vous êtes curieux, seigneur cavalier ; seriez-vous indiscret, par hasard ?

En achevant ces mots, la femme mystérieuse allait s’enfuir ; mais elle s’arrêta subitement et s’enfonça dans l’ombre d’une porte en entraînant André, qui dégaîna le poignard caché dans sa poche. C’était en ce temps-là une précaution indispensable à la Havane.

— Ils m’ont vue, balbutia la pauvre femme toute tremblante.

— Qui ? demanda Laverdant.

Sa compagne, sans répondre, allongea la main vers l’extrémité de la rue, et lui montra deux grandes ombres