Page:Eyma, Les peaux noires, Lévy, 1857.djvu/261

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trouva si éclatante de beauté que la jalousie lui mordit le cœur.

— Non, se dit-elle, je ne lui écrirai pas ; non, Tobine ne lui apportera pas cet adieu de huit jours qui serait peut-être éternel… car elle l’aime, car elle est belle, car elle pourra rapprocher… Enfin, c’est ma rivale…

Et en même temps il lui vint à l’esprit que tout ce récit de la mulâtresse pouvait bien être une machination de jalousie, et que le marquis ne savait rien. Elle fut sur le point de déchirer le billet et de s’en remettre aux hasards de l’aventure.

— Comédie pour comédie, pensa-t-elle ; je vais lui donner ce billet, car en le lui refusant elle pourrait me trahir. Mais Joséfa se chargera d’en détruire l’effet.

Elle tendit la lettre à Tobine qui la cacha soigneusement dans le corsage de sa robe ; elle l’eût enfermée volontiers dans son cœur pour la conserver intacte. Ce billet c’était plus que la vie, c’était l’espérance, c’était l’amour d’André qu’on venait de lui rendre. Elle le croyait du moins, la pauvre enfant.

— Mais, fit-elle tout à coup, les serenos peuvent m’arrêter et me conduire à la geôle. Il faut que Madame me donne un permis de circulation.

— Voici ce qui vaut mieux qu’un permis, répliqua la marquise en tendant sa bourse à Tobine. Les serenos pourraient prétendre ne savoir pas lire ; mais ils savent toujours distinguer un doublon d’une piastre.

— Merci ! s’écria Tobine, en s’élançant à travers les ténèbres.