Page:Eyma, Les peaux noires, Lévy, 1857.djvu/268

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avaient négligé de rencontrer la jeune mulâtresse, qui se dirigea vers la maison d’André. Cette pensée que lui avait inspirée son amour, lui fut fatale.

Au détour d’une rue, à cent pas à peine de son but, Tobine aperçut deux grandes ombres qui marchaient lentement vers elle. Ces deux ombres se cachèrent dans le renfoncement d’une porte. Tobine hésita d’abord, puis se décida à avancer. Il lui semblait que si près d’André, elle ne devait craindre aucun danger. Elle s’élança comme pour prendre sa course ; mais au même instant deux hommes la saisirent, chacun par un bras.

— Isturitz ! Algedro ! s’écria-t-elle.

— Oui, nous-mêmes, coquine, suppôt de Satan !

— Eh bien ! que me voulez-vous ? demanda l’esclave qui, en face du péril, avait fait un effort pour reprendre son sang-froid.

— Tu as indignement trompé le marquis Daguilla, dit l’un des deux. Tu vas nous suivre pour que justice soit faite de ton infâme mensonge.

— D’où viens-tu ? demanda Isturitz.

— Où cours-tu ? riposta Algedro.

— Où est allée la marquise ce soir ?

— Ce n’est pas à Santa-Bonaventura, comme tu l’avais dit au marquis.

— Parle ; voyons, veux-tu répondre ?

À chacune de ces questions et de ces exclamations qui se succédaient avec la rapidité de l’éclair, Tobine ne répondait pas un mot, tout en faisant des efforts inutiles pour échapper à la double étreinte de ses ennemis. Mais leurs doigts robustes avaient marqué un bracelet de sang autour de chacun, des bras nus de la jeune fille.

Tout entière à la lutte qu’elle soutenait, la mulâtresse ne s’était pas aperçue que le billet était près de s’échapper de son sein.