Page:Eyma, Les peaux noires, Lévy, 1857.djvu/276

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Où suis-je ? demanda-t-elle.

— Chez vous, Madame.

— Oh ! mon Dieu ! mon Dieu ! murmura la pauvre femme en se cachant le visage dans les deux mains.

Daguilla saisit Antonia dans ses bras au moment où les forces allaient lui manquer, traversa le jardin et déposa ce fardeau presque inanimé sur un lit ; puis il se retira froidement sans prononcer un mot, ni de colère, ni de reproche, ni de pitié.

Au moment où le marquis sortit de la chambre, une femme se dressa dans un des coins les plus obscurs de la pièce, et se traîna jusqu’au bord du lit. Antonia sentit alors un baiser et des larmes brûler sa main. Elle releva péniblement la tête :

— Tobine !

— Oui, moi, maîtresse… Mais qu’arrive-t-il ? que se passe-t-il ?

— Tobine ! répéta Antonia avec une énergie fébrile. Mais qu’es-tu donc devenue depuis hier au soir ? Est-ce toi qui m’a trahie ?…

— Vous trahir, maîtresse ! s’écria la jeune mulâtresse en tombant à genoux. Mais il est donc survenu un malheur ?

— En doutes-tu ? Eh bien ! va à la Magnificencia, tu verras… et s’il n’est pas mort…

— Jésus-Maria ! fit la mulâtresse en se relevant vivement ; c’est donc ainsi que vous l’aimiez !

Et sans écouter Antonia, qui balbutiait encore quelques paroles, elle partit comme une flèche, insouciante des nouveaux dangers d’une course nocturne à travers les rues de la ville. En passant devant l’appartement du marquis, elle aperçut un filet de lumière sous la porte, et entendit que son maître marchait à grands pas dans la pièce. Elle se glissa furtivement le long de la cloison, et gagna