Page:Eyma, Les peaux noires, Lévy, 1857.djvu/30

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rendre de Saint-Pierre dans presque toutes les localités du nord de la Martinique.

Firmin, en lisant ce billet, crut sentir d’abord comme un parfum des jours passés embaumer son âme. Il ferma les yeux pour évoquer dans le mystère de sa pensée l’image de madame de Mortagne, jadis adorée ; mais, hélas ! il ne put entrevoir qu’une forme vague, incertaine, fugitive, mal ébauchée, laquelle s’évanouit au moment où l’imagination chercha à lui donner les chairs d’une statue animée. Son cœur qui, au temps rappelé par la lettre, eût brisé sa poitrine à la seule lecture des fins hiéroglyphes courant sur le papier, son cœur palpita à peine.

— C’est singulier, murmura Firmin, ne l’aimé-je donc plus ? ne l’ai-je donc jamais aimée, qu’un si délicat souvenir ne me fasse pas bondir d’ici à la Calebasse ?

Il évoqua de nouveau l’image, elle ne revint plus ; il mit la main sur son cœur, et le trouva aussi calme qu’à la minute d’auparavant. Tous les sentiers qui pouvaient le ramener vers le passé étaient évidemment fermés.

— Cependant, reprit Firmin après un moment de réflexion, il n’est pas possible que le souvenir de madame de Mortagne se soit éteint complétement, et qu’il ne reste plus que des cendres froides d’un si beau feu. J’irai à sa rencontre ; oui, j’irai. Si je ne l’aime plus, la galanterie exige que je sois là, sur son passage, à ce rendez-vous, le dernier qu’elle me donne peut-être !