Page:Eyma, Les peaux noires, Lévy, 1857.djvu/31

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IV


Firmin ordonna de seller son cheval et se mit en route, malgré le temps qui lui présageait un voyage tout au moins périlleux. Ceci se passait la surveille du jour où nous l’avons vu jeter sur la plage de la Basse-Pointe par une lame miséricordieuse dans sa fureur. D’après son calcul, il avait espéré de pouvoir faire une halte en chemin et de se trouver le lendemain, dans l’après-midi, à la Calebasse.

L’état de la mer, qu’il avait pu apprécier à la Caravelle, lui avait fait présumer qu’il rencontrerait de mauvaises routes et surtout les rivières débordées ; cela ne manqua pas. Arrivé à la rivière Sainte-Marie, qu’on traverse ordinairement à gué, il s’aperçut qu’il lui serait difficile de gagner l’autre bord. Un moment il hésita pour savoir s’il ne retournerait pas sur ses pas.

— Allons, se dit-il, une femme ne croit jamais qu’on ne puisse braver un danger pour arriver jusqu’à elle ! Madame de Mortagne se rirait de moi, si je lui donnais une pareille excuse.

Firmin lança bravement son cheval à travers le torrent. La pauvre bête ne tarda pas à perdre pied, et tous deux, cheval et cavalier, devant l’imminence du danger, se mirent à lutter héroïquement contre la violence du courant, un peu chacun pour soi, et assourdis en outre par le bruit des roches que la rivière charriait dans ses eaux troublées. Une trentaine de pas tout au plus les séparaient du bord, lorsqu’une roche du fond sur laquelle