Page:Eyma, Les peaux noires, Lévy, 1857.djvu/56

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Firmin, pensif, avait la tête baissée et le regard fixé à terre.

— Madeleine, reprit le mulâtre, est une si bonne et si belle créature, Monsieur, qu’elle mérite d’inspirer un amour vrai, sincère, délicat, honnête. Franchement, je veux croire, car vous avez, j’en suis sûr, un grand cœur, que vous aimeriez Madeleine dans les conditions que je vous disais. Eh bien ! les gens qu’on aime de cette sorte, on ne peut pas vouloir les déshonorer. Vous ne pouvez pas l’épouser, n’est-ce pas ? Laissez-la-moi donc pure et chaste comme elle est, pour faire, un jour, le bonheur et la joie de quelque homme de sa classe, à qui il sera permis de lui offrir son cœur, s’il s’en rencontre un qui s’en montre digne.


XII


Firmin avait écouté avec un véritable respect ces paroles de Jérémie, débitées avec une volubilité qui n’enlevait rien à la conviction solennelle de son accent. La lumière venait de se faire en son âme. Plus s’était épuré le sentiment qu’il éprouvait pour Madeleine, mieux il comprenait le sens intime et les secrets de la douleur du mulâtre.

Les réflexions que l’entraînement et la vivacité de sa passion ne lui avaient pas laissé le temps de faire, le plaidoyer de Jérémie les lui dictait ; les dangers, il les voyait maintenant. Son cœur se brisa devant ce spectacle d’une jeune fille déshonorée, et d’un père mourant de désespoir et de honte.

Si Firmin n’avait aimé Madeleine que d’une passion