Page:Eyma, Les peaux noires, Lévy, 1857.djvu/61

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en 1820, c’est encore de même aujourd’hui). Selon la qualité et la couleur du voyageur, elle verse à l’avance rhum ou tafia ; elle a même des fruits et de l’eau au sucre pour les femmes et les enfants, par-dessus le marché des quimboix et des piailles pour qui veut bien y croire. Elle ne les délivre qu’avec un profond mystère, en marmottant des mots inintelligibles et en se signant une demi-douzaine de fois. Firmin, qui n’avait nul besoin de quimboix, se contenta d’un verre de rhum. Après s’être reposé, il se fit renseigner par l’hôtesse de l’ajoupa de la Halte, sur la route à suivre pour se rendre à la petite habitation vivrière qui lui avait été indiquée pour rendez-vous.

Il continua par le grand chemin pendant une cinquantaine de pas, puis s’enfonça dans un petit sentier couvert, bordé d’arbres fruitiers, au bout duquel il aperçut une case assez proprette.

À peine le pas du cheval avait-il été entendu qu’une vieille mulâtresse s’avança sur le seuil de la porte, et, après avoir crié en se tournant vers le fond de la maison : Mi li ! (le voilà) elle courut au-devant de Firmin.

— Allons donc ! dit-elle en prenant le cheval par la bride, vous vous faites attendre, maître.

— Je ne me trompe point, n’est-ce pas ? demanda Firmin. Vous êtes bien Adélaïde ?

— Comme vous êtes M. Firmin.

Il est très-rare que les nègres donnent aux jeunes gens leur nom de famille ; ils s’en tiennent toujours au prénom, comme généralement ils appellent les jeunes filles tit’mam’zelle (petite demoiselle).

— Madame de Mortagne n’est point partie ? demanda Firmin.

Adélaïde secoua la tête, ramassa un petit négrillon de sept ou huit ans, qui jouait nu devant la porte, le plaça en