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XV


Firmin dévorait tous les traits de madame de Montagne. Les yeux ardemment fixés sur ces mains fines et aristocratiques, sur ces belles épaules, sur ces bras que l’éclat des bijoux faisait ressortir davantage, sur ces sourires, pleins de piéges. La passion du regard, l’animation du visage de Firmin pouvaient satisfaire la vanité de la jeune femme et faire battre son cœur de joie. Hélas ! cette contemplation à laquelle le jeune créole se livrait n’était qu’un travail de comparaison, si je puis m’exprimer ainsi. Malgré lui, sa pensée avait fait un retour vers Madeleine ; il cherchait dans la jeune femme blanche quelque chose qui pût effacer la beauté de la fille du mulâtre.

— Ah ! se disait-il dans les mystères sonores de son cœur, qu’on donne à la pauvre enfant la moitié de ces dentelles, de ces bijoux, de ces diamants, et qu’on affuble cette Parisienne luxueuse de la robe d’indienne, du tablier de ménagère que portait Madeleine, oh ! comme l’une serait bien plus belle encore, et comme l’éclat de l’autre s’éteindrait !

On aura beau dire, il n’en est pas moins vrai que l’homme vit plus de réalité que de rêve, et le dicton du pays : « Un oiseau sur le doigt vaut mieux que deux oiseaux sur la branche, » se reproduit dans le monde sous toutes les formes et dans toutes les occasions. Il eut encore raison ici. Quelque effort que fît M. de Lansac pour amener madame de Mortagne dans l’ombre de Madeleine, il ne put résister à l’éblouissement que la première jetait