Page:Eyma, Les peaux noires, Lévy, 1857.djvu/83

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Il m’a recommandé de vous assurer qu’il ne vous avait point oubliée, qu’il ne vous oublierait jamais… Et surtout, a-t-il ajouté, si tu as le bonheur ineffable, Claudien, de te trouver seul avec elle, ne fût-ce qu’une minute, prosterne-toi à ses pieds comme je le ferais, moi ; jure-lui de ma part un amour éternel, et, si elle le permet, dépose sur ses mains un baiser brûlant où toute mon âme tiendra.

Firmin avait joint l’action aux paroles. Il s’était jeté aux genoux de Madeleine, en posant ses lèvres avec enivrement sur les deux mains de la jeune fille.

— Relevez-vous, monsieur Claudien, relevez-vous, de grâce, s’écria Madeleine tout effarée.

Firmin obéit.

— Le comte m’a dit encore, reprit-il après un moment de muette contemplation : Si Madeleine ne m’a pas tout à fait oublié, non plus, demande-lui si elle n’a pas quelque message pour moi, et, dans ce cas, reviens, reviens bien vite m’apporter ma part de bonheur.

Madeleine, la poitrine haletante, le visage caché dans ses deux mains, la tête courbée, paraissait se recueillir dans sa pensée.

— Eh bien ! lui demanda Firmin, après quelques minutes d’attente, que dois-je dire à M. de Lansac ?

Madeleine se leva lentement. Appuyée sur le dossier de sa chaise :

— Monsieur Claudien, murmura-t -elle, je ne saurais trouver de paroles qui fussent aussi expressives que mon émotion dont vous venez d’être témoin, pour traduire ce que j’éprouve. Je dois cependant vous prier de dire au comte que la volonté de mon père s’accomplira ; que, tout en conservant pour lui un souvenir inaltérable, une reconnaissance qui ne finira qu’avec ma vie, il est de mon devoir et de ma condition d’oublier un amour impossible, de ne plus croire même qu’il ait jamais existé. Mon cœur