Page:Eyma, Les peaux noires, Lévy, 1857.djvu/91

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sa chambre, où elle passa le reste de la nuit à prier avec une ferveur qu’elle n’avait pas ressentie encore…

— Pardonnez-moi ce mensonge, mon Dieu ! murmurait-elle à chaque instant : d’un crime, j’ai voulu ne faire qu’une faute. Si j’avais dit la vérité, mon pauvre père serait mort de douleur ou m’aurait tuée !… Le lendemain, Madeleine fut la première à aller trouver Jérémie. Si sévère que celui-ci voulût être, il ne résista pas longtemps aux caresses de sa fille et lui ouvrit ses bras.

— C’est mal, ce que tu as fait là, lui dit-il, mais tu ne le savais pas, n’est-ce pas ? Tu as cru…

Jérémie s’arrêta et n’acheva point sa pensée devant le regard calme et chaste de Madeleine.

— Le mal est peut-être moins grand que je ne supposais, se dit-il. Rien qu’à la voir, on se sent désarmé.

— Grondez-moi tant que vous voudrez, père, fit Madeleine ; mais tout ce que je vous demande, c’est de ne point parler de tout cela à Huron… Je lui avais promis le secret… Je serai, je vous jure, le modèle des épouses.

— C’est bien, répondit le mulâtre, mettons que je ne sache rien, que je n’aie rien vu… qu’il n’en soit plus question. Tu es fatiguée, repose-toi… moi, je m’en vais faire couper les cannes.

Il embrassa sa fille et disparut.