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LA VIE ET LA MORT DES FÉES

français : la forêt où travaillent les bûcherons, la route claire sur laquelle l’ombre des noisetiers jette sa dentelle blanche et transparente, les fleurs des champs — bluets et coquelicots — qui bordent le chemin, les silhouettes de moulins à vent. Tout cela est intime et familier, et l’intérieur de la mère-grand est brossé avec la même exquise intelligence des détails : la porte à bobinette et à chevillette, la huche où l’on serre le pain, le grand lit perdu dans l’obscurité de l’alcôve profonde. Pauvre petit Chaperon rouge à la coiffure d’aurore !

Aussi nous oublions l’origine vagabonde, exotique de ces récits et des personnages qu’ils nous font connaître. L’air de la vieille France leur a donné son souffle et ils sont des nôtres. Perrault les a marqués à l’estampille de son génie qui nous appartient. Et maintenant, pour nous, à tout jamais, ces vieux contes, issus de mythes encore plus anciens qu’eux-mêmes, s’appellent et s’appelleront, à juste titre, les contes de Perrault.


VI

LES FÉES DANS LES SALONS


Si Perrault conserve quelque chose d’inimitable, rien n’empêcha qu’il ne fût souvent imité. Ces délicieux contes, profonds comme la vieillesse et ingénus comme l’enfance, naquirent à une époque où les fées devenaient à la mode, et où elles ne tardèrent pas à faire fureur. Les beaux esprits s’y mettent, et c’est une véritable frénésie. Dans les salons les plus renommés, les conversations se transforment en per-