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LA VIE ET LA MORT DES FÉES

tain Lailoken se trouva sur sa route, personnage errant, puni pour avoir suscité des dissensions civiles ; son allure sauvage et inspirée, ses yeux hagards et souffrants, toute sa détresse immense, attendrirent Cantigern jusqu’aux larmes. Cantigern pria pour Lailoken : « Mon frère, dit-il, puisque tu m’as fait ta confession, si tu regrettes tes erreurs, voilà le Christ qui te sauvera. » Après avoir communié, Lailoken s’éloigna, bondissant de joie et répétant : « Je chanterai éternellement les miséricordes du Seigneur. » Sous ce nom de Lailoken, c’était encore Merlin qui se cachait… J’imagine cet entretien de Merlin et de Cantigern, comme le dialogue de l’Océan et du Ciel, de l’Océan qui se lamente sous la paix du Ciel étoilé, tandis que le Ciel, sur la douleur de l’Océan, fait planer la consolation des lumières éternelles.

Le doux saint Cadoc avait, selon le moyen âge, pleuré sur l’âme de Virgile ; malgré les réprimandes du moine Gildas, ancien barde devenu impitoyable à toute poésie, et qui devait pourtant se réconcilier avec les poètes en la personne de Talgesin, Cadoc avait fait le vœu de ne boire ni manger, jusqu’à ce que lui fût révélé le destin de ces païens qui, dans le monde, ont chanté comme les anges du ciel. Poète lui-même, il méditait sur l’éternelle destinée des poètes. Quand il s’endormit, il entendit une voix argentine murmurer : « Prie pour moi, prie pour moi, ne te lasse pas, car là-haut je chanterai éternellement les miséricordes du Seigneur. »

Ce saint Cadoc ou Kadoc, saint celtique par excellence, devait rencontrer Merlin, et le souvenir de cette rencontre, bien des fois mentionné, demeure, dans la mémoire du pays breton, fixé par un chant