Page:Féron - La revanche d'une race, paru dans L'Étoile du Nord, 1927-1928.djvu/102

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— Oui, monsieur l’abbé, reprit-il avec un grincement de dents, j’ai peur et cette peur-là me fait horriblement souffrir. Puis ma souffrance me fait perdre confiance en moi-même ; et, perdant confiance en moi, je perds confiance en tout ce qui m’entoure. Tenez, monsieur l’abbé, ajouta-t-il d’une voix sourde, c’est terrible de le dire, mais il faut que je déverse ma pensée… toute ma pensée. Monsieur l’abbé écoutez : j’en suis arrivé à douter de la bonté de Dieu, de sa puissance, de son existence même !…

— Jules, s’écria l’abbé d’un accent très grave, prends garde aux paroles blasphématoires que laissent tomber tes lèvres !

Le jeune homme s’était tu comme épouvanté lui-même des paroles qu’il avait prononcées. Et maintenant, sous les regards profonds, tristes et doux de l’abbé, il demeurait confus.

— Ah ! monsieur l’abbé, murmura-t-il avec accablement, vous voyez bien que la douleur et la souffrance me rendent fou !

Il se laisse choir sur une pile de couvertures qui servaient de lit à l’abbé et demeura plongé dans une prostration.

Très touché, le prêtre vint s’asseoir près du malheureux jeune homme ; et d’une voix dont seule une mère peut avoir les accents.

— Mon fils, dis-moi tout ! Conte-moi la cause directe de ta souffrance ! Aie confiance, car j’espère trouver le moyen de te guérir.

Et alors, Jules, sans bouger, dans un souffle de morne abattement, murmura simplement ce nom :

— Violette !

L’abbé, à ce nom, esquissa un sourire triste et doux.

— Je m’en doutais, fit-il avec tendresse. Car j’avais déjà pensé que de telles amours résistent à tous les efforts qu’on peut tenter pour les briser. Ainsi donc, c’est cet amour-là qui te fait souffrir, mon Jules ?

— Ce qui me fait souffrir atrocement, c’est de savoir Violette souffrir plus atrocement encore. Violette est très malheureuse, monsieur l’abbé, elle dépérit, elle n’est plus la même, elle est malade… très malade… elle mourra peut-être. Et moi, j’aurai été la cause de sa mort ! Comprenez-vous, maintenant, ce que je souffre ?

— Tu as donc revu Violette ? interrogea doucement l’abbé.

— Je l’ai revue, oui, et je me suis conduit vis-à-vis d’elle comme le plus vil des hommes. Elle, qui se mourait d’amour pour moi ; elle, qui travaillait à écarter de mes pas un danger terrible ; cette fille, la plus noble entre les nobles, je l’ai odieusement suspectée, méprisée… Oui, j’ai agi comme un sans-cœur, comme un misérable !…

Un peu revenu au calme, Jules alors raconta la scène qui s’était passée entre lui et Violette.