Page:Féron - La revanche d'une race, paru dans L'Étoile du Nord, 1927-1928.djvu/175

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de sa bonne le courage qu’il n’avait pas, se raidit, se redressa, et d’une voix mal raffermie :

— Va ouvrir ? commanda-t-il à Berthe.

En dépit de l’épouvante qui la clouait presque sur place, la servante obéit. L’instant d’après Monsieur Gaston voyait apparaitre, avec une peur grandissante, deux hommes — deux inconnus — très droits et très graves, militairement boutonnés dans leurs longs paletots noirs.

Et avant que Monsieur Gaston, tout figé, eût pu proférer un geste, une parole, l’un des deux inconnus demandait poliment :

— Vous êtes, si je ne m’abuse, Monsieur Gaston ?

Monsieur Gaston manqua de voix, — seule sa tête se pencha en signe d’affirmation.

L’homme reprit :

— Voulez-vous avoir l’amabilité de nous accorder, à mon compagnon et à moi, un moment d’entretien ?

Ces paroles furent dites d’une voix si douce et l’expression en étaient si courtoise que Monsieur Gaston se sentit rassuré. Aussi put-il répondre :

— Messieurs, je suis à votre disposition, — bien que vous me soyez tout à fait inconnus.

— Qu’à cela ne tienne, répondit le même interlocuteur, la connaissance sera tôt faite !

— En ce cas, asseyez-vous, messieurs. Et il leur désigna un siège à chacun.

Les deux inconnus acceptèrent avec un sourire.

Puis, pendant que Monsieur Gaston renvoyait Berthe et fermait précisément sa porte, les deux hommes de tournure et d’aspect singuliers allumèrent chacun une cigarette.

Monsieur Gaston, ayant la minute d’après imité leur exemple, se rejeta sur son sofa et demanda sur un ton poli et rassuré :

— Maintenant, messieurs, je vous saurai gré de vouloir bien me dire qui j’ai l’honneur de recevoir dans mon modeste logis ?

— Au fait, sourit celui des deux hommes qui semblait s’être donné la tâche de conduire la conversation, je vous disais tout à l’heure que la connaissance serait tôt faite ; je m’empresse de m’exécuter.

D’un geste lent il fouilla dans la poche intérieure de son paletot et en retira une petite feuille de papier pliée en quatre.

— Voulez-vous me permettre, reprit-il en fixant curieusement Monsieur Gaston, de vous donner lecture d’une petite note qui vous intéressera, je pense ?

— Faites, monsieur, acquiesça tranquillement Monsieur Gaston.

L’homme lut :