Page:Féron - La revanche d'une race, paru dans L'Étoile du Nord, 1927-1928.djvu/198

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la figure de ses gardiens. Un frisson d’épouvante le secoua, une sueur glacée inonda son visage, il se renversa en arrière et, les yeux fermés, demeura comme frappé de mort.

Les deux gardiens de Monsieur Gaston, c’étaient deux officiers de l’État-major français.

Et la limousine fila à travers Paris.

Longtemps Monsieur Gaston demeura plongé dans sa torpeur ou son épouvante. Puis il finit par reconquérir peu à peu son calme et sa lucidité d’esprit.

Maintenant la machine volait en pleine campagne dans une direction inconnue. Monsieur Gaston voulut jeter au dehors un regard craintif : mais les stores abaissés arrêtèrent sa curiosité.

Ses deux gardiens, dont il devinait plutôt la présence, demeuraient immobiles et taciturnes.

Un moment, Monsieur Gaston tenta d’entamer la conversation : il voulut parler… dire quelque chose… mais sa gorge et ses lèvres ne parvinrent qu’à bredouiller des sons vagues étouffés par le bruit de la machine.

Où conduisait-on Monsieur Gaston ?

C’était la question qui brûlait ses lèvres ! C’était le mystère qui tourmentait son esprit ! Et il eût donné gros pour le savoir… À coup sûr, on ne le conduisait pas en Paradis !

Et, pour la première fois, l’imagination de Monsieur Gaston — alias Capitaine Von Solhen — entrevit un piquet de soldats le couchant en joue de leurs Lebels menaçants.

Il frissonna…

Avait-il peur ? Il faut le croire.

Dans la tranchée, sous les obus pleuvants, ou devant la terrible baïonnette des tirailleurs algériens, Monsieur Gaston — il faut le reconnaître — n’eût pas même songé à la peur.

Mais le peloton d’exécution !… cela lui faisait horreur. Cette vision seule le tuait à demi.

Or, c’est au moment où il s’abimait dans ces pensées, que la voiture stoppa.

Il y eut à l’extérieur un échange de paroles brèves et basses, puis la portière fut ouverte brusquement et une voix demanda en anglais, à la stupéfaction de Monsieur Gaston :

Show your papers !

En même temps une petite lanterne électrique projetait tout à coup ses rayons lumineux dans l’intérieur de la limousine, éclairant tout à fait les deux officiers français et leur prisonnier, tandis que l’homme au dehors demeurait dans l’ombre.

L’officier qui se trouvait près de la portière ouverte sortit un parchemin de sa poche et le présenta au factionnaire.