Page:Féron - La revanche d'une race, paru dans L'Étoile du Nord, 1927-1928.djvu/218

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Enfin, Harold, comme pour se donner une contenance, alla s’asseoir à sa table de travail et alluma un cigare. Puis, sans même offrir un siège à sa fille, il demanda d’une voix qu’il essaya de faire dure et brève, mais qui tremblait étrangement :

— Pourquoi es-tu venue ici, Violette.

— Pour vous voir, mon père, répondit Violette d’une voix ferme et oubliant ou n’osant pas tutoyer Harold comme c’était son habitude.

— Pour me voir !… Dans quel but ?… Hâte-toi… car dans peu d’instants j’aurai à sortir pour affaire urgente.

Cette fois sa voix était dure. Et comme s’il eût été très importuné par cette visite inattendue, il se prit à griffonner fiévreusement sur une feuille de papier déjà tout écrite.

Devant cette attitude indifférente, froide et ennuyée de son père, Violette perdit toute son énergie et toute sa confiance en elle-même. Un long soupir souleva sa poitrine, sa tête s’inclina lourdement, et, à pas chancelants, elle alla se laisser choir sur le sofa et se mit à pleurer silencieusement en tenant son mouchoir sur ses yeux.

Un instant Harold parut s’étonner. Puis peu à peu sa physionomie se modifia, elle se fit moins dure, plus douce et dans ses yeux bleuis passèrent des lueurs d’attendrissement. Devant la silencieuse, mais expressive douleur de sa fille, ce père retrouvait un peu de son cœur — un peu de cet amour paternel que ses débauches récentes n’avaient pas tout à fait englouti dans leur fange.

— Violette, commanda-t-il d’une voix adoucie, viens ici !

La jeune fille releva sa figure humide de larmes, une lueur d’espérance brilla au fond de ses yeux bleus et tristes, et ses lèvres dessinèrent un sourire mélancolique.

— Viens ici ! répéta Harold en se rejetant en arrière, tandis que sa main gauche se posait sur le bras du fauteuil comme pour expliquer :

— Viens t’asseoir ici… comme là-bas… autrefois dans le bon vieux temps… quand nous étions amis… quand nous avions bien des choses agréables à nous dire…

Et Violette obéit.

Vivement elle rejeta fourrures et chapeau sur le sofa et courut à son père.

Et s’asseyant sur le bras du fauteuil, et lui le père, entourant la taille de sa fille, celle-ci par un mouvement plein d’affectueux abandon, plein de sublime confiance, laissa tomber sa tête rousse sur l’épaule du père pour mieux pleurer encore.