Page:Féron - La revanche d'une race, paru dans L'Étoile du Nord, 1927-1928.djvu/222

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— Alors… dit Violette avec son meilleur sourire et en regardant son père droit en face, devines-tu ?…

— Un peu… répondit Harold en riant tout à fait.

— Quoi donc ?… Voyons si tu es bon devin !

— C’est facile !

— J’écoute.

— Ça s’explique de soi-même…

— J’écoute toujours… répéta Violette tremblante, très émue, très anxieuse…

— Voilà comment je devine… par déduction bien entendu : Miss Violette Spalding, une enfant généreuse, vaillante, pleine de patriotisme, enthousiasmée par l’excellente œuvre de la Croix-Rouge, s’est faite infirmière dans les hôpitaux, garde-malade dans les ambulances, pour le service de nos blessés. Mais il arrive que la Croix-Rouge possède, par intervalles, des finances médiocres ; il arrive aussi que des blessés convalescents partant en congé, sont sans le sou. Or, Miss Spalding très charitable, très touchée par tous ces malheurs, a pensé qu’elle avait quelque part un père très riche qui ne saurait manquer de générosité, et Miss Spalding s’est dit :

— C’est vrai que nous avons été un peu brouillés mon père et moi… à propos de rien… Mais je le ramènerai bien vite ce père aux millions, et il ne refusera pas de remplir ma sacoche pour ceux qui ont besoin…

Et Harold qui, en disant ces paroles, n’avait pas regardé sa fille, allait s’écrier avec triomphe :

— N’est-ce pas que j’ai deviné, petite folle ?

Mais il demeura silencieux, frappé de l’expression désappointée et douloureuse de Violette.

Oui, Violette avait tout à coup perdu son sourire, elle avait pâli, les larmes avaient de nouveau coulé sous ses longs cils bruns… Puis, nerveusement, elle entoura le cou de son père de ses deux bras et d’étouffants sanglots déchirèrent sa poitrine.

Décontenancé, Harold demanda :

— Eh bien ! n’ai-je donc pas deviné ?…

— Non, père… balbutia Violette d’une voix éteinte.

— Alors, de quoi s’agit-il donc ?… Il fut dès ce moment repris par sa défiance.

— Père, murmura Violette, d’une voix plaintive et mourante, il s’agit de mon cœur !…

— De ton cœur ?… répéta Harold, qui ne voulait pas ou avait peur de comprendre.

— De mon amour… père… de mon amour pour celui qui va peut-être mourir comme un misérable… comme un lâche… comme un traître… pour celui qui s’est vaillamment, hé-