Page:Féron - La revanche d'une race, paru dans L'Étoile du Nord, 1927-1928.djvu/223

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roïquement battu pour vous, pour nous, pour notre grand Empire…

Et emportée par son irrésistible amour elle oublia toute prudence, et s’écria en serrant son père très fort :

— Père, père !… sauve Jules Marion de la mort honteuse des traîtres !…

Ces paroles produisirent sur Harold Spalding l’effet d’un jet d’eau lancé sur une huile enflammée.

Il repoussa sa fille rudement et bondit hors de son fauteuil ; et maintenant, les poings levés vers le ciel, il laissait retentir une sourde imprécation :

— Dieu Puissant !… c’était pour me parler de ce misérable… m’outrager de son nom… que tu es venue ici ?… Va-t’en !… râla-t-il avec un geste terrible… va t’en avant qu’il soit trop tard !

Violette, livide, chancelante, alla s’affaisser sur le sofa où elle demeura prostrée.

Harold, les yeux injectés de sang, la bouche crispée, marcha d’un pas saccadé vers sa fille comme pour l’anéantir.

Mais il s’arrêta en entendant frapper à sa porte.

— Entrez !… gronda-t-il.

Le docteur Randall parut.

Devant cette vision Violette se dressa comme piquée par la morsure venimeuse d’un reptile ; et, en face du danger qu’elle entrevoyait tout à coup, elle retrouva son énergie, sa vaillance, son sang-froid. Héroïque, elle se prépara à la lutte.

Le docteur s’était arrêté médusé.

Harold demeurait indécis.

Ces trois personnages, si dissemblables de caractères comme de physionomies, présentaient à cette minute précise un tableau très curieux.

Ce fut Harold qui le premier, rompit ce silence gênant. Une joie sauvage brilla au fond de ses yeux bleus lorsqu’il regarda tour à tour Violette et le docteur. Ce fut à Violette qu’il s’adressa :

— Violette, dit-il d’une voix lente et basse, je te présente ton fiancé, le docteur Randall.

Le docteur rougit subitement et pour la première fois dans sa vie, peut-être, il parut timide et gauche.

Violette demeura très calme, très sereine. Seuls ses yeux brillèrent d’une lueur de défi. Elle marcha jusqu’au docteur, s’arrêta à deux pas, le regarda en face et, d’une voix à l’accent hautain et dédaigneux, elle demanda :

— Monsieur, osez-vous encore prétendre à ma main après ce qui s’est passé entre nous ?

Le docteur retrouva tout à coup son audace