Page:Féron - La revanche d'une race, paru dans L'Étoile du Nord, 1927-1928.djvu/227

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Et tout de suite il fut saisi d’un sombre pressentiment en songeant que Violette allait se trouver exposée peut-être à la méchanceté du docteur. Mais la présence de l’officier inconnu, qu’il n’avait pas vu ressortir de l’hôtel, le rassura

…Mais alors une inspiration subite jaillit à son esprit.

Il salua la débitante de tabac et sortit.

Dehors, il avisa un gardien de la paix qui, enfoncé dans sa capote et paraissant peu satisfait d’un métier qui l’exposait brutalement aux injures d’une température piquante, allait trainant comme si le froid les eût engourdis.

L’abbé lui posa une main sur l’épaule en disant de sa voix grave et profonde :

— Un mot seulement, mon ami.

Le gardien se retourna avec un grognement de mauvaise humeur et exhiba une physionomie ennuyée sur laquelle l’air vif du matin avait imprimé les couleurs de l’arc-en-ciel.

Ce matin-là, l’abbé était vêtu, comme un laïque avec un chapeau melon d’où pendait en mèches éblouissante sa chevelure léonine.

En face de ce grand vieillard à l’air vénérable, le gardien perdit sa contenance rogue, un sourire releva sa lèvre supérieure ornée d’une énorme moustache noire, et il répondit :

— À votre service, monsieur.

— D’abord, je dois vous déclarer que je suis étranger à Paris, si vous l’avez déjà remarqué à mon accent.

Un nouveau sourire effleura les lèvres du gardien.

— Or, poursuivit l’abbé, je désire livrer à la justice française un individu dangereux qui porte déjà à son actif deux tentatives d’assassinat, et qui entretient des rapports mystérieux avec certains agents allemands qui travaillent ici même à Paris.

Le gardien ouvrit des yeux démesurés.

— Diable ! — s’écria-t-il, si votre homme est ce que vous me dites, il est plus que dangereux.

— Eh bien, puisque vous êtes de mon avis, je vous demande seulement de m’indiquer le moyen le plus rapide de faire arrêter l’homme en question.

— Et où est-il, cet homme ?

— Là fit simplement l’abbé en indiquant l’hôtel.

— À l’hôtel Provençal ?

— Oui.

— En ce cas, répliqua l’agent, je ne vois qu’un moyen : c’est de courir à la Préfecture faire votre déclaration, et revenir avec deux bons agents pourvus d’un mandat d’arrêt.