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re. Son évêque et son médecin lui avaient conseillé le climat de la Floride. Mais lui n’avait pas voulu s’éloigner de sa paroisse. Il avait acheté une petite maison dans laquelle, avec son sacristain, Pascal, il vivait très modestement.

Ce Pascal, vieux célibataire et homme de tous métiers, ne voulant pas quitter son curé, lui avait demandé de le garder en guise ou à titre de « servante ». Car Pascal entendait comme pas une femme, le soin du ménage et de la cuisine. On disait même qu’il réussissait très bien certains plats de sa composition, dont on vantait fort la succulence.

Donc sur la prière de Pascal l’abbé Marcotte avait répondu en riant :

— Ma foi, mon vieux Pascal, puisque tu y tiens, je t’autorise à devenir « ma maîtresse de maison et ma cuisinière ».

Et Pascal, tout heureux et fier, s’était mis à l’œuvre.


L’abbé Marcotte avait considéré l’instituteur avec une expression d’infinie douceur.

— Jules, dit-il enfin d’une voix grave, que signifie ce désespoir qui fait que je ne te reconnais plus ?

— En effet, je suis désespéré, répondit le jeune homme d’une voix sourde. Ah ! monsieur l’abbé, si vous saviez seulement ce qui m’arrive !

— Je m’en doute, répliqua le prêtre d’une voix triste. Des enfants que j’ai rencontrés m’ont parlé d’adieux que tu leur as faits. Ils m’ont dit que l’école serait fermée. Alors, anxieux, impatient de savoir au juste ce qui se passait, je suis accouru… Et tout de suite, à ton air, j’ai compris que les enfants ont dit la vérité.

— Et voici qui confirme cette vérité, fit Jules en tendant à l’abbé la lettre de Harold Spalding.

L’abbé lut lentement et silencieusement.

Sa figure demeura froide et grave.

Puis, la lettre relue, il la mit tranquillement dans la poche de sa soutane.

— Qu’en voulez-vous faire ? interrogea le jeune homme intrigué.

— Je ne sais pas. Peut-être n’en ferais-je jamais rien du tout. Peut-être me servira-t-elle à quelque chose ! Qu’importe ! Nous verrons plus tard. Pour le moment, parlons de toi puisque c’est de toi qu’il s’agit. Que vas-tu faire ?

— Mais que voulez-vous que je fasse, sinon me plier aux ordres qu’on me donne : envoyer ma démission, remettre la clef de l’école, partir.

— Soit, tu enverras ta démission telle qu’exigée, mais pas la clef de l’école.