Page:Féron - La revanche d'une race, paru dans L'Étoile du Nord, 1927-1928.djvu/275

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et caressante, et il avait murmuré en étendant la main :

— Violette… vous êtes là, n’est-ce pas ?… près de moi ?

— Oui, Jules tout près de vous !

Elle lui abandonnait sa main fine…

— Violette, reprenait le lieutenant, voulez-vous que nous causions un peu ?

— Pourvu que vous ne vous fatiguerez pas ; pourvu que vous ne parlerez pas trop, ni trop longtemps, oui je le veux. Mais il faut vous prévenir que le docteur vous défend toute fatigue.

— Je me sens fort comme Samson, ce matin.

— Ne vous faites-vous pas un peu d’illusion ?

— Non quant à ma force physique Violette. Mais peut-être ai-je une autre illusion ?

— Cette illusion, méchante, peut-on la connaître ? fit Violette en riant et en serrant dans ses mains moites l’unique du blessé.

Elle s’était assise sur le bord du lit pour se trouver plus près de lui… de lui, qu’elle commençait d’aimer jusqu’à l’adoration.

— Violette, reprit Jules gravement, mes illusions me sont chères, elles résument en ce moment toute mon existence, elles sont ma résurrection, car ces illusions m’ont sauvé la vie.

— Alors, répliqua Violette avec cette câlinerie que Jules autrefois lui avait connue, il faut que ces illusions, qui vous sont si chères et si précieuses, vous fassent vivre longtemps… toujours !

— On ne vit pas toujours d’illusions, Violette, vous le savez bien dit le jeune homme avec un sourire pâle.

— Mais non, je ne le sais pas… pourquoi ?…

Et la jeune fille avait un petit sourire mystérieux.

— Parce que tôt ou tard ces illusions s’envolent, s’évanouissent de même que les rêves du soir se sont éclipsés aux clartés de l’aurore.

— Eh bien, Jules, je fais le vœu… je souhaite ardemment que vos illusions vivent, qu’elles deviennent pour vous des réalités.

Elle avait prononcé ces paroles d’une voix plus basse, grave presque.

Jules avait tressailli, sa main avait tremblé bien fort dans les mains de la jeune fille ; et elle, cette Violette, avait senti cette main-là trembler et elle avait souri d’ivresse.

Ah ! elle devinait bien ce qui se passait dans l’âme du pauvre blessé !

Elle devinait bien qu’il voulait lui poser une question dont allait dépendre le bonheur de leur vie à tous deux !

Et elle l’encourageait…

Pourtant il eut peur… peur de cette réponse qu’il désirait qu’il souhaitait.

— Violette, reprit-il après un moment de silence, lorsque je songe à l’horreur que l’aspect de