Page:Féron - La revanche d'une race, paru dans L'Étoile du Nord, 1927-1928.djvu/293

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Comment, monstre que je suis, puis-je prétendre encore à ma paternité ? Est-ce possible que je sois le père de cet ange ?…

Toujours est-il qu’après un long silence il s’approcha tout près de Violette se pencha vers elle, posa ses deux mains sur les bras du fauteuil, et demanda d’une voix craintive et tremblante :

— Violette… me pardonnes-tu ?

— Oui… mon père ! murmura tout bas et péniblement la jeune fille.

— Merci, mon ange !

Et se penchant davantage il posa ses lèvres sur le front pâle de Violette.

Elle ne bougea pas, elle ne releva pas les yeux sur son père.

Lui rasséréné reprit sa marche. Le pardon de Violette lui suffisait. Déjà il avait oublié les autres… d’autres qui souffraient aussi par sa faute ! Déjà sa conscience était apaisée ! Oui le pardon de Violette lui suffisait pour effacer la tache d’infamie qui s’attachait il était blanc comme neige ! Il était réhabilité !… du moins, c’est ce qu’il pensait ou cherchait à s’avouer à lui-même.

Ce furent les pensées qui, pendant dix minutes, s’agitèrent dans son esprit. Au bout de ces dix minutes il s’arrêta et dit :

— Violette, il me faut maintenant aborder une question pénible pour nous deux. Si nous voulons rétablir l’harmonie d’autrefois, cette question doit être pour toujours tranchée.

Et il ajouta brusquement :

— Je veux parler de tes amours !

Violette tressaillit légèrement.

— Aujourd’hui, continua Harold sur un ton peu assuré j’ai compris que tu aimes toujours le lieutenant Marion. Me trompé-je ?

— C’est vrai, père, je l’aime toujours.

— Violette, as-tu réfléchi ?… As-tu envisagé un peu seulement, toutes les désillusions où peuvent te conduire de telles amours ? Je conçois qu’une fille de bonne maison de haute société même — puisse aimer un pauvre maître d’école doué d’un physique passable et d’intelligence ordinaire ; mais je ne comprends pas qu’elle aime, adore presque un misérable impotent, un cul-de-jatte qui, il me semble, ne peut inspirer d’autres sentiments que sa pitié ou l’horreur.

— À moi père, il inspire tout l’amour et toute la vénération dont est capable le cœur d’une femme, répondit Violette avec une noble ardeur.

Devant de tels aveux Harold, en d’autre temps, se fût emporté ; cette fois, chose bien étonnante, il conservait son calme. Et Violette ajoutait avec une ardeur croissante :

— Père, Jules Marion, déformé mutilé impotent, — par délicatesse elle ne disait pas aveugle