Page:Féron - La revanche d'une race, paru dans L'Étoile du Nord, 1927-1928.djvu/301

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qui, pour la plupart — disons-le à l’honneur de la Française — n’étaient que des aventurières venues des pays étrangers.

Tous les jours, il y avait, rue d’Anjou, grands festins. Tout ce que l’argent peut procurer de mets délicats et raffinés de vins recherchés, fines liqueurs, champagnes mousseux — tous ces divins nectars du dieu-homme — tout cela s’empilait sur la table de ce nouveau Sardanapale qui cherchait d’oublier dans les orgies sa monstrueuse infamie.

Pendant trois semaines le demi-monde parisien assiégea la rue d’Anjou.

Pendant trois semaines on raffola du millionnaire canadien… on se le disputa avec furie. C’était l’ancienne folie des chercheurs d’or sentr’égorgeant pour la possession d’un lingot !

Et Spalding, enivré par cette lutte furieuse dont il était le prix, finissait par oublier ses bassesses, ses crimes, sa fille et Jules Marion, sa victime.

C’était encore grande fête ce soir-là, rue d’Anjou : c’était toujours l’effrayante libation, l’orgie infernale au sein de laquelle naissent, s’unissent et vivent toutes les passions humaines.

La resplendissante compagnie de Harold Spalding s’étalait autour des tables surchargées de la vaste salle à manger. Le grand salon également, bien que désert à cette heure, s’incendiait sous les feux éclatants de ses lustres d’argent.

Au moment où Harold semblait jouir au suprême degré de son triomphe un serviteur vint l’informer qu’une personne désirait l’entretenir pour affaire de grave importance.

Oubliant ou négligeant de s’enquérir du nom de la personne, Harold commanda :

— Conduisez le visiteur dans le grand salon où je le rejoindrai bientôt.

Dans son orgueil, il se plaisait à laisser seuls ses visiteurs pour leur permettre d’admirer plus à leur aise la somptuosité de son habitation comme la munificence qu’il déployait.

Or, le personnage qui venait d’être conduit au grand salon, c’était l’abbé Marcotte.

Jamais l’abbé n’était apparu aussi superbe, aussi beau, aussi imposant, comme à ce moment même sous l’incendie des lustres.

Vêtu d’une longue redingote noire qu’il portait avec une remarquable aisance avec sa figure blême pleine d’énergie puissante à laquelle se mêlait une sorte de mélancolique douceur, avec sa chevelure léonine dont les mèches, sous l’ardeur des lustres, scintillaient et glissaient sur la nuque comme des lames d’argent, l’abbé Marcotte, ce soir-là, paraissait grandi.

Et quand Harold parut, — quand il reconnut son visiteur, il demeura un moment ébloui, comme saisi d’une admiration respectueuse.