Page:Féron - La revanche d'une race, paru dans L'Étoile du Nord, 1927-1928.djvu/53

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Il tressauta, comme réveillé d’un cauchemar, en percevant un bruit inusité sur la rue, devant sa demeure.

Mû par une curiosité instinctive il courut à une fenêtre.

Une voiture d’ambulance venait de s’arrêter devant la grille de la cour où s’assemblait, là encore, une tourbe de passants.

Harold se sentit secoué par un frisson de superstitieuse terreur.

Que venait faire cette voiture d’ambulance chez lui ?

Et comme saisi d’un pressentiment de malheur, frappé de vertige tout à coup, il se cramponna de ses deux mains à l’appui de sa fenêtre, et tremblant, le front moite collé sur une vitre, la gorge sifflante, les yeux dilatés par l’épouvante, il regarda…

Il vit ce spectacle affreux : l’infirmier, aidé d’une autre personne, retirait de l’ambulance un brancard sur lequel reposait le corps inanimé de Violette.

Oui, il la reconnut sa fille… sa fille qu’on lui ramenait morte peut-être !

Alors, de sa poitrine oppressée s’échappa un cri de douleur, ou mieux, un rauque rugissement se fit jour à travers sa gorge serrée. Il lâcha la fenêtre, traversa rapidement son cabinet, gagna la porte comme pour aller à la rencontre de ceux qui lui rapportaient sa fille comme on apporte un cadavre…

Dans sa chambre, Violette, dont la figure conserve une lividité cadavérique, repose doucement sur son lit blanc au chevet duquel se tient, attentive, la femme de charge.

Dans une pièce voisine dont la porte est légèrement entre-baillée, Harold Spalding, affaissé dans un fauteuil, semble prêter une attention distraite aux paroles d’un personnage qui fume sa cigarette avec une béatitude incontestable.

Ce personnage est âgé de trente-cinq ans environ. Il est grand et maigre, avec une figure entièrement rasée, longue et blême, aux pommettes saillantes qui se colorent parfois d’un léger incarnat. Ses cheveux très noirs couronnent un front bas sur lequel on peut deviner des instincts brutaux. Ses yeux sont noir brillant, pleins d’éclairs qui brûlent et fascinent ; et ces yeux seraient beaux sans un certain quelque chose d’astucieux et de sournois. Enfin, ses lèvres minces se pressent sur des dents blanches et aigues, et ces lèvres se plissent souvent sous un sourire railleur ou dédaigneux.

Mis avec trop de recherches, il semble, tant par l’allure de sa personne que par son langage, vouloir se donner des airs d’importance et de distinction.

Cet homme, c’est le docteur Randall.

Diplômé du McGill à Montréal, et de l’Hô-