Page:Féron - La revanche d'une race, paru dans L'Étoile du Nord, 1927-1928.djvu/6

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Harold aurait voulu déraciner au cœur du Canadien-français la grande Foi… ce piédestal sur lequel reposent ses plus belles traditions.

Est-il possible d’arriver à ce but ? Il le pensa, en faisant ce raisonnement :

— Frappons la langue, se disait-il, arrachons tous les vestiges de cette langue, faisons périr le germe, et nous aurons vite raison du reste, c’est-à-dire la religion catholique !

C’est avec cette idée au cerveau que Harold vit surgir des événements qui allaient, pensait-il, lui mettre dans les mains une arme puissante.


Au mois d’août de 1913, la Législature de la province d’Ontario promulguait de nouveaux statuts relatifs à l’enseignement dans les écoles primaires, et, de ces statuts, un règlement tout particulier, dénommé « Règlement No 17 », abolissait en principe les écoles bilingues, c’est-à-dire les écoles franco-canadiennes établies et entretenues par deux cent mille Canadiens-français habitant la province d’Ontario.

La mesure était extravagante.

Nos lois constitutionnelles, depuis le Traité de Paris, en 1763, jusqu’à l’Acte de la Confédération canadienne, en 1867, garantissant aux habitants de langue française le libre exercice de leur religion, l’usage de leur langue et son enseignement au Canada, ainsi que tous leurs us et coutumes, étaient méconnues, violées par les législateurs d’Ontario. Toute une race, noble et fière, était impitoyablement frappée !

Contre un geste si cruel, la nationalité canadienne et française d’Ontario, de Québec, des États américains, protesta vigoureusement : le Règlement No 17 demeura. Il demeura et, en plus, afin d’en rendre le principe plus efficace, les impôts scolaires affectés au soutien des écoles françaises furent confisqués pour être ensuite portés aux fonds d’entretien des écoles anglaises, Si bien que les instituteurs de nos écoles furent oubliés et ignorés, et leur salaire empoché par des gens sans scrupule. Il arriva donc que ces instituteurs — les nôtres… ceux de notre race française… — privés de leur juste rémunération, abandonnèrent leur poste. Et il arriva que nos écoles françaises fermèrent leurs portes, faute d’instituteurs, et que des milliers d’enfants furent contraints de faire l’école buissonnière. Mais alors, nos compatriotes d’Ontario refusèrent carrément de payer leurs impôts scolaires. Ce que voyant, le ministre de l’instruction Publique établit une Commission de trois citoyens influents de la Capitale — Commission spécialement chargée de la perception des impôts récalcitrants — et cette Commission reçut plein pouvoir, au nom du ministre, de résoudre le problème.