Page:Féron - La revanche d'une race, paru dans L'Étoile du Nord, 1927-1928.djvu/65

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Car tu l’aimes, hein ? Dis donc que tu l’aimes ton Marion ! Pourquoi tant me mentir ? Oui, tu l’aimes…

Et il riait d’un rire nerveux, effroyable, pendant qu’il ajoutait :

— Oui, tu l’aimes ! Voyez-vous, ça maintenant ? Ma fille qui aime un Marion ! Et tu l’adores, tu reçois ses lettres, tu lui portes des fleurs humides de tes baisers, tu vas à ses rendez-vous, tu te compromets pour lui et avec lui… Et tu déshonores ton père, malheureuse, en te déshonorant ! Ah ! misérable fille ! Mais si, au moins, tu pouvais me prouver que tu ne l’aimes pas ton Marion… Ah ! Violette, ôte-moi donc de l’esprit cette horrible pensée que tu aimes Jules Marion !

Il s’arrêta tout à coup, frissonnant, la face inondée de sueurs, les regards affreux de terreur et d’angoisse rivés sur la figure violacée de Violette qui demeurait immobile, les yeux fermés, comme morte dans les bras de son père.

Harold poussa un gémissement de douloureux désespoir.

— Ah ! Puissance Divine ! s’écria-t-il qu’allais-je faire ?

Très doucement il retira ses mains du cou de Violette et prenant la jeune fille dans ses bras il se mit à promener ce corps inanimé par la chambre, embrassant à pleines lèvres cette figure altérée et froide, sanglotant, pleurant, appelant sa fille des plus doux noms.

— Violette, ma fille, mon ange, mon adorée, parle-moi ! Ah ! j’ai été fou ! Tu vois bien que je n’étais pas sérieux. J’ai voulu rire, Violette mon trésor ! Je ne suis pas fâché du tout, mademoiselle ! Vous le voyez bien, puisque je ris !

Oui, le malheureux, il riait… mais d’un rire funèbre qui l’effrayait lui-même.

Et encore il baisait ardemment les lèvres blanches de sa fille, lorsque soudain, comme le coup de clairon qui éclate, une voix grave et sonore le fit bondir d’épouvante :

— Vous l’avez tuée ! prononça la voix derrière lui.

Harold Spalding se retourna, et, chancelant, prononça ce nom :

— Jules Marion !


IX

HOMME À HOMME


Hagard et haletant, Harold Spalding demeurait pétrifié devant Jules Marion calme et grave dans sa tenue militaire.

Il n’y avait dans l’attitude du jeune homme ni arrogance, ni colère, ni défi, ni rancune ; mais il n’y avait pas non plus gêne ou humilité.