Page:Féron - La revanche d'une race, paru dans L'Étoile du Nord, 1927-1928.djvu/72

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venons de rapporter, les membres du Cercle Saint-Louis furent convoqués en réunion spéciale. Il s’agissait de lancer une protestation contre l’action de Harold Spalding. Car, disons-le, Jules Marion était l’un des membres les plus estimés de ce Cercle.

Grande avait été l’indignation de tous, plus grande encore avait été l’indignation du président actif du Cercle, Raoul Constant, qui avait convoqué la réunion. Constant était un jeune avocat qui débutait dans la politique ; c’était un ami très intime de Jules Marion.

Il était à peine huit heures du soir que les cinq cents membres du Cercle se trouvaient réunis dans la grande salle de lecture au bout de laquelle s’élevait une petite estrade.

Sur cette estrade un jeune homme monta : grand, mince, d’une physionomie audacieuse et fière, à moustaches conquérantes Raoul Constant fut bruyamment applaudi.

Durant une heure il tint son auditoire sous le charme et l’âpre éloquence de ses paroles. Il parla de Jules Marion, loua son caractère noble, fit l’éloge de ses qualités brillantes. Il termina ainsi :

— C’est l’homme du devoir, l’homme qui ne recule jamais pour remplir ce devoir quels que soient les obstacles amoncelés sur son chemin. Cinq années durant ce devoir Jules Marion l’a accompli, sans une lacune, sans un anicroche, il l’a rempli avec honneur, avec noblesse : et cependant on l’a chassé de son école, c’est-à-dire de notre école canadienne et française. Et de cette même école on a chassé également notre vénéré chapelain, l’abbé Marcotte. Pourquoi ? Pour outrager toute notre nationalité française ! Et l’outrage a été lancé par le riche et puissant Harold Spalding. Eh bien ! nous, Canadiens-français, qu’avons-nous à faire en recevant l’injure ?

— Laver cette injure ! dit une voix dans l’auditoire.

Un tonnerre roula dans la salle.

Cent voix crièrent :

— Lavons l’injure !

— Comment ? demanda Constant. Nous ne pouvons user des mêmes représailles à l’égard de Spalding.

— Nous avons la loi du talion ! clama une voix.

— Qu’on lynch Spalding ! tonna une autre voix.

Alors un tumulte énorme se produisit : toute la salle fut debout, criant, gesticulant, réclamant la peine de mort contre Harold Spalding.

À cet instant une voix sonore et grave vibra au-dessus du vacarme :

— Mes amis, évitons la violence ! prononça la voix.

Le tapage qui avait commencé comme un ton-