Page:Féron - La revanche d'une race, paru dans L'Étoile du Nord, 1927-1928.djvu/8

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Elle prend souvent plaisir à taquiner son père sur certaines questions de politique, elle le contrecarre, soutient des thèses tout à fait opposées aux siennes.

Lui, très souvent finit par se fâcher. Violette, alors, se met à rire de tout son cœur, puis elle embrasse son père bien tendrement, le cajole[illisible] et le ramène toujours à la bonne humeur.

Et après ces petites colères, ces emportements, il semble à Harold qu’il aime davantage cette enfant qu’il adore !

Puis il la repousse avec une douce affection en disant sur un ton demi fâché :

— Laisse-moi, folle… tu finiras par me brouiller avec ma fille !

Elle alors, cette Violette, se met à rire plus fort, elle donne une ou deux petites tapes amicales sur cette tête chauve, et se sauve en laissant retentir après elle son rire espiègle.

Mais ce soir-là, Harold peut lire sur la face de Violette une souffrance dont il souffre, et son inquiétude dont il est lui-même inquiété.


Violette Saplding a vingt-trois ans.

C’est une blonde, dont la tête s’auréole d’une chevelure rousse aux teintes de cuivre, — une chevelure épaisse, lourde, massive, sous laquelle se détache nettement une physionomie ouverte, douce, intelligente. La fraîcheur de son teint et du rose de ses joues s’allient harmonieusement avec l’incarnat humide de ses lèvres. C’est une fleur que deux grands yeux d’azur — deux soleils — que pleins d’effluves mystérieux éclairent et réchauffent, et de ces grands yeux on voit jaillir le rayonnement d’une âme pure et généreuse.

Violette adore le badinage ; mais, au fond c’est une jeune fille sérieuse, très sérieuse même, qui sait raisonner, qui peut émettre une opinion, la soutenir et la défendre à l’occasion.

Depuis la mort de sa mère, Violette, unique enfant, dirige la maison. Tâche assez facile pour elle parce que Harold reçoit peu, et parce que aussi Violette n’est pas mondaine. Elle aime s’occuper d’œuvres de charité, et avec les promenades en auto, la musique, la lecture et, quelques fois, le théâtre, elle trouve moyen de passer sa vie plus agréablement que bien de ces riches désœuvrés qui s’ennuient en ennuyant les autres.

La jeune fille jouit d’une liberté presque entière : elle sort, rentre à l’heure qu’il lui plaît, sans que son père, qui, du reste, a une confiance aveugle en elle, s’en inquiète.

Et elle n’est pas timide, cette Violette : si elle a quelque chose sur le cœur, il faut qu’elle le dégage ce cœur, qu’elle dise ce qu’elle a à dire.