Page:Féron - La revanche d'une race, paru dans L'Étoile du Nord, 1927-1928.djvu/84

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de suite qu’elle venait de se créer un ennemi implacable en attisant sa jalousie. Elle regretta presque ses paroles trop vives. Mais, hélas ! pouvait-elle sans humiliation se rétracter ! Avant de se rendre chez le docteur elle s’était bien promis pourtant de demeurer calme et de plaider sa cause, ou mieux celle de Jules, avec tact et persuasion. Mais l’attitude ironique de Randall, ses paroles mensongères avaient de suite soulever sa colère : car, disons-le, cette Violette avait aux veines de ce sang paternel bouillant et difficile à contenir.

Donc, en face de cet homme à mauvais instincts, devant ce perfide criminel par la pensée, s’il ne l’était déjà par l’action, devant cet éhonté et astucieux personnage dont elle pouvait apercevoir le sourire diabolique, ses nobles sentiments s’étaient révoltés, de son âme avait jailli un cri d’indignation, et elle avait jeté violentent ses premières pensées à la face du monstre.

Et comme le docteur gardait à ses lèvres ce sourire muet et railleur, et que ses yeux brillants se fixaient étrangement sur les regards purs de la jeune fille, celle-ci crut deviner des pensées sinistres dans l’esprit de l’homme et elle fut secouée soudain d’une peur instinctive.

Seule dans la nuit et en un lieu désert avec cet être aux passions violentes, elle crut se voir à la merci de cet homme qu’elle savait sans conscience, sans foi ni loi, de ce bandit de la civilisation, bandit cent fois plus redoutable que les Africains ou les brigands des déserts mexicains. Oui tout à coup, Violette eut peur… elle sentit une sueur glacée mouiller la racine de ses cheveux et lentement couler jusqu’à sa nuque.

Et cette pensée terrible augmenta son alarme :

— Si cet homme allait, pour se venger de mes dédains ou pour obéir aux passions brutales qui le brûlent oui, si ce bandit allait profiter de notre isolement pour essayer de me violenter !…

Oui, Violette eut vraiment peur et elle commença de regretter sa démarche. Elle regretta tout au moins de n’avoir pas attendu le docteur chez lui, de n’avoir pas, pour un instant, bravé les regards douteux et louches de ces gens qu’elle avait remarqués chez le docteur Randall : là, au moins, elle eût été en sûreté.

Mais il était tard. Maintenant devant ce danger nouveau qu’elle entrevoyait Violette n’avait plus qu’à reculer en usant de savante tactique ou de ruse.

L’audace aussi pouvait la sauver, songea-t-elle. Elle savait que laisser voir sa peur s’était s’avouer vaincue et perdue, et elle se domina.

Elle se fit forte aussitôt, au moins d’apparence, elle redressa la tête et regarda le docteur. Si lui voulait défier, elle était prête à défier. Elle dit d’une voix sévère :