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Ce que voyant l’abbé Marcotte fit mander Pascal.

L’ancien sacristain avait suivi son curé au bataillon… il semblait résolu à le suivre au bout du monde ! Lui, Pascal, se séparer de l’abbé ?… Jamais de la vie ! La mort seule était capable de pareille cruauté !

Aussi, comme il possédait des aptitudes culinaires, l’avait-on amené au camp du bataillon où, après lui avoir fait endosser un magnifique tablier blanc — et tout neuf encore — on lui avait collé, séance tenante, sans examen, sans référence, sans essai, un grade d’aide-cuisinier.

Et Pascal, tout jubilant, avait sauté en l’air de joie exubérante.

Nous ne saurions aller plus avant dans cette narration sans dire un petit mot, sans faire une courte esquisse de l’ancien sacristain.

Pascal — Bilodeau de son nom ancestral — célibataire irréductible, dépassait de peu la cinquantaine, bien qu’il eût coutume de dire aux jeunes, auxquels il se plaisait à conter ses petites aventures de jeunesse, qu’il était « vieux comme le monde ».

— Oui, c’que j’en ai vue des choses, des affaires, mes p’tits amis !… se plaisait-il à répéter.

Il faut bien avouer que ce pauvre Pascal était né et avait poussé aux temps immémoriaux et légendaires des « feux-follets », « des Loups garous » et des « lutins » de la bonne vieille province de Québec.

Et s’il en savait de ces histoires à vous figer les sangs !

Malgré ses cinquante années il demeurait très vert et très alerte.

Du reste, il était excessivement soigneux de sa personne, ce Pascal : il aimait à se « douilleter » comme on dit. Sa figure, sans rides, fraîche et joviale, il la rasait trois fois par semaines, beau temps mauvais temps.

Ses cheveux grisonnants et court coupés étaient toujours minutieusement brossés et artistiquement séparés par une ligne longitudinale tirée avec soin. Il mettait même assez de symétrie dans cette ligne de séparation qu’on pouvait être assuré de ne pas trouver un cheveu de plus ou de moins sur un côté que sur l’autre !

Sa figure joviale et honnête s’éclairait de deux petits yeux jaunes — des yeux de chat taquin — des yeux qui marchaient sans cesse, pétillants, remuants sous leurs sourcils touffus.

Enfin, sa bouche — hélas ! c’était, disait-il, ce qui le défigurait un peu — oui, à sa bouche il manquait deux ou trois incisives qu’il n’avait pu se résigner à remplacer par des « artificielles ». C’était son terme, à Pascal, et ce qu’il les méprisait les « artificielles » !

Voilà à peu près ce qu’était Pascal, avec un cœur honnête, généreux et brave, avec un dé-