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« Méfiez-vous de cet homme » !

Ce fut un trait de lumière pour Jules, qui oublia Randall, Pascal, tout… pour ne plus songer qu’à sa cruauté et ses soupçons injurieux à l’égard de Violette.


XIV

DÉSESPOIR


Désarmé, Randall conservait une attitude menaçante ; vaincu, il défiait encore.

Pourtant il n’ignorait pas que, sur un mot de Jules et le témoignage de Pascal, on pouvait émettre contre lui un mandat d’arrestation pour tentative de meurtre, ou, tout au moins, pour guet-apens. Mais sa haine était plus forte que sa raison : il avait envie de tuer, il fallait qu’il tuât, eût-il vu se dresser devant lui un échafaud !

Mais Jules, toujours admirable de générosité, se contenta de tendre le fusil à Pascal, ébahi disant :

— Emporte ça au camp, Pascal !

Puis, à Randall renfermé dans un mutisme farouche :

— Quant à vous, je vous conseille de vous retirer et de méditer sérieusement sur les conséquences d’un acte pareil à celui que vous alliez, sans ce brave, tenter contre ma personne.

Et sans plus, il entraîna Pascal.

— Et ce fusil ? interrogea l’ancien sacristain qui se remettait difficilement de ses émotions ; qu’est-ce que nous allons en faire ?

— Garde-le tout simplement en souvenir du docteur. Tu l’as deux fois gagné : en me sauvant la vie d’abord, ensuite en le sauvant, lui, de l’échafaud, peut-être !

— Bon sang ! murmura Pascal ravi, c’est un fameux souvenir tout de même. Merci, Monsieur Jules.

Chemin faisant, il se prit à examiner l’arme curieusement

— Bon Dieu ! s’écria-t-il tout à coup, c’est une Rose ! Voyez donc, monsieur Jules… et une qui n’a pas servi encore, c’est sûr !… C’est égal, je pourrai me vanter d’être arrivé là à point. Mais c’est quand je pense, ajouta-t-il plus bas, comme s’il eût répondu à une pensée intime, car c’est le docteur Randall… un homme qui passe pour un « monsieur »… j’en reviens pas !

Ces paroles excitèrent la curiosité de Jules Marion, qui demanda :

— D’où connais-tu ce docteur Randall ?

— Lui ?… je le connais peu. Mais son père défunt qui était aussi un docteur et à qui il ressemble trait pour trait, je l’ai bien connu. Nous étions presque voisins dans le temps. Lui le garçon, il allait au collège, ce qui veut dire que je ne le voyais qu’au temps des vacances. Puis, un bon jour, j’ai appris qu’il avait été fait doc-