Page:Féval - Cœur d’acier,1865.djvu/123

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chacun doit aux choses respectables. La charité se venge d’elles en s’agenouillant, les mains jointes et les yeux au ciel, au chevet du lit banal où trop souvent elles viennent mourir.

Car il y a un lien étrange entre la couche triste de l’hospice et les joyeuses nuits du carnaval.

L’officier de paix, par manière d’acquit peut-être, entr’ouvrit le pourpoint de Buridan et lui tâta le cœur. Le cœur battait encore.

L’étudiant fut salué du nom d’âne avant même d’être reçu docteur !

Et le marteau soulevé heurta violemment la porte.

— Ma sœur, dit l’officier de paix, déclinant sa qualité à la tourière, voici un jeune homme, presque un enfant, qui va mourir. Si son corps est perdu, aidez-nous à sauver son âme.

L’officier de paix s’excusa depuis, à son café, disant : Il faut parler à chacun son langage. C’était un Alcibiade. Il a dû faire son chemin.

La sœur tourière ouvrit le parloir, où notre pauvre beau Roland fut déposé sur un matelas. On éveilla deux sœurs. J’ai entendu un homme d’esprit qui disait, en parlant d’un praticien illustre : j’aurais presque autant confiance en lui qu’en une garde-malade ! C’était, en effet, beaucoup dire, et l’illustre praticien remercia, confessant qu’il avait rarement reçu un meilleur éloge.

Dès ce moment, Roland était en bonnes mains. Il fut soigné en conscience et comme il faut.

L’officier de paix descendit faire son rapport à la préfecture ; les curieux s’en allèrent à leurs guinguettes respectives, emmenant les voyageuses, qui trouvèrent là l’occasion de nouer des amitiés solides, devant durer jusqu’au lendemain matin.

Tourot, ancien amant de Mme Théodore, fut mis au violon. L’étudiant en médecine, rentré au sein de sa famille, accusa l’autorité de lui avoir enlevé son premier mort.

Le lendemain, le docteur Récamier vint, ce cher et souriant médecin des marquises, ce sceptique doux, à la fois voltairien