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Page:Féval - Cœur d’acier,1865.djvu/235

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À quelques pas de là, le galant Similor oubliait son jeune fils ; c’était son habitude. Peu lui importait cette opération du sevrage, si délicate et si difficile. Esclave de ses passions, il dissipait son salaire avec Mlle Vacherie. Ce n’était pas un joli garçon, mais il avait une tournure artiste, sous son paletot de peluche trop étroit, les jambes nues, la tête coiffée d’un vieux chapeau gris d’où s’échappaient ses cheveux jaunes en révolte, et il était en train de faire sa cour.

— On a le fil, quoi ! disait-il d’un air à la fois scélérat et naïf, on est ce qui s’appelle un roué de la Régence avec tous les divers trucs à sa portée, et susceptible de rendre une petite femme comme le poisson dans l’eau, pour la bouche, la toilette et tout. C’est pas l’embarras, l’amour m’a bien nui dans mes carrières ; mais que voulez-vous ! on a abusé de tout dans l’existence d’un jeune homme à la mode auprès des belles, sans perdre de vue, toutefois le sentier de l’honneur !

— Vous avez dû tout de même en voir de drôles, Monsieur Similor ! soupira Mlle Vacherie qui dévorait du gras-double dans une écuelle de terre brune.

Et combien Similor la trouvait belle ainsi, assise par terre, les pieds sur une chaise et le nez dans sa tasse !

La grosse caisse du Théâtre des Jeunes Élèves, dont le personnel se composait de trente-deux chiens savants, ajouta aigrement :

— Mais comment faites-vous donc, l’enflé, pour gagner tant d’argent !

Tant d’argent ! bonté divine ! Similor avait enfin trouvé un homme qui le prenait pour un capitaliste, un homme qui lui portait envie ! Son cœur grossit dans sa poitrine, sa tête se redressa, rayonnante de fierté.

— Dire que les citoyens naissent tous égaux dans leur berceau, répliqua-t-il d’un ton de professeur, c’est des faiblesses ! Voyez Échalot, mon domestique, que j’ai pris pour me suppléer dans les soins de mon enfant abandonné par sa noble mère, qu’appartient à la première société de la