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Page:Féval - Cœur d’acier,1865.djvu/395

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tait la persuasion, la confiance, l’évidence. Elle était comme la statue glacée de la Vérité. En ce moment, Léon sentait avec une incroyable violence, et comme on se courbe devant un axiome indiscutable, la supériorité de cette femme. Il croyait en elle à cause de cela. De loin, il s’était accoutumé à la craindre sans cesser de nourrir la pensée de la combattre ; de près, la pensée de combattre s’évanouissait en même temps que la frayeur. À quoi, cependant, croyait-il ? À sa bonté, à sa miséricorde, à un invraisemblable retour vers les faiblesses du passé ? Non ; à rien de tout cela. Elle avait dit : je veux vous sauver ; il croyait à ces mots purement et simplement, sans même faire un effort mental pour deviner l’arrière-pensée qui les avait dictés.

L’arrière-pensée était, pour lui, sous-entendue. Il l’acceptait sans la connaître et consentait d’avance à en profiter.

Si bas qu’il fût, pour employer les propres expressions de Marguerite, il était homme d’affaires, et se croyait certain de discerner le vrai du faux dans ce qui allait suivre.

Faut-il ajouter qu’il aimait mieux être sauvé par cette ennemie, à un prix usuraire, que d’acheter son salut en subissant la suprême angoisse de voir Nita unie à son rival ?

L’amour de Léon était ce qu’il a paru dans ces lignes, tenant peu de place au-dehors, mais emplissant tout son cœur. Jamais Léon ne parlait de son amour, et Rose était au monde sa seule confidente, une confidente qui l’avait deviné ; mais, depuis des années, sa vie entière avait été menée par cet amour taciturne, honteux de lui-même, conscient de sa propre folie : un de ces amours qui, lorsqu’ils n’élèvent pas un homme tout d’un coup jusqu’à l’audace héroïque, le diminuent, le minent et le tuent.

Marguerite reprit après un moment de silence :