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Page:Féval - Cœur d’acier,1865.djvu/523

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pour les deux nuées. La comtesse se fiait en ses yeux perçants, en son adresse consommée, en son étoile.

Les cartes de son jeu étaient d’avance préparées, la fièvre clouait le comte dans son lit ; elle avait dépêché le docteur Lenoir et Mlle de Malevoy sur une piste imaginaire à la recherche de ce même Léon de Malevoy qu’il lui fallait et qu’elle avait ici sous la main. Roland lui-même était avec ses fidèles compagnons de l’atelier Cœur-d’Acier.

Mais Roland ne pouvait tarder longtemps à revenir, car Nita l’attirait comme un aimant. Il fallait agir et agir vite.

En quittant Annibal, la comtesse lui dit :

— Dans une demi-heure, montre en main, vous conduirez de nouveau cette femme chez moi, par la même route. Elle reprendra ses habits, recevra son salaire et s’en ira… Alors, il sera temps pour vous d’agir ; vous aurez des armes et vous viendrez au petit hôtel… Je ne me trompe pas : vous m’avez bien dit que les pistolets sont sur le guéridon ?

— Oui, répliqua Annibal, tout est prêt.

— Allez, et soyez exact.

Il s’éloigna aussitôt.

Léon était seul. Il errait inquiet et malheureux. La comtesse se débarrassa des danseurs importuns qui se pressaient autour d’elle, la prenant pour la princesse d’Eppstein, et marcha droit à lui.

— J’ai promis la prochaine contredanse au capitaine Buridan, dit-elle à haute voix, en arrivant à ses côtés.

Léon tressaillit et se retourna. Il fut trompé comme tout le monde. Malgré les précautions habiles, employées par Marguerite au commencement de la fête, il n’en pouvait croire ses oreilles.

— Princesse, balbutia-t-il, il y a ici un autre capitaine Buridan. Ce n’est peut-être pas à moi que vous croyez parler.

— Je crois parler, dit la fausse Nita qui lui saisit le bras d’une main qu’elle faisait tremblante à plaisir, à l’homme qui avait la confiance du duc de Clare, mon