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LA BANDE CADET

comme si j’étais agenouillé à vos pieds ; c’est le vœu d’un cœur qui va cesser de battre, et qui ne battait que pour vous, Madame ! Répondez-moi, vous qui ne m’avez jamais menti, je le proclame à ce dernier moment : pourquoi n’avez-vous pas pu m’aimer ?

À cette question, Angèle se troubla. Une nuance rose vint à sa joue.

— Pourquoi ? répéta-t-elle.

— Soyez franche comme toujours, dit le malade, qui la dévorait du regard.

Et c’était chose terrible à voir que la flamme concentrée dans les yeux de ce visage morne, comme la dernière étincelle se réfugie plus brillante à l’extrémité de la mèche qui va s’éteindre.

— Eh bien ! dit Angèle à voix basse, jamais je ne m’étais adressé à moi-même cette question, voilà pourquoi j’hésite. J’interroge ma conscience pour vous dire la vérité vraie, puisque vous souhaitez l’entendre. Je n’ai pas aimé Abel plus que vous, je l’affirme, peut-être l’ai-je aimé moins que vous.

— Qui donc avez-vous aimé ! s’écria le duc, tout vibrant de fièvre, qui ?

Elle n’hésita pas, cette fois, et répondit :

— Personne.