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Page:Féval - La Vampire.djvu/134

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LA VAMPIRE

marchand de chevaux, que vous avez pris pour Georges Cadoudal.

Berthellemot se toucha le front vivement.

— Je savais bien que j’avais quelque chose à vous demander ! s’écria-t-il. On devrait prendre des notes. Eprouvez-vous quelque répugnance à me dire depuis combien de temps vous connaissez ce M. Morinière ?

— Aucune. Je l’ai vu pour la première fois il y a deux ans. Il venait à ma salle pour maigrir. C’est une bonne lame.

— Est-ce l’habitude, parmi les marchands de chevaux, de connaître et de pratiquer l’escrime ?

— Pas précisément, monsieur l’employé, mais la meilleure épée de Paris, après moi, qui suis un ancien chantre de paroisse, est François Maniquet, le boulanger des hospices… le métier n’y fait rien.

— Et vous n’avez jamais cessé de voir ce citoyen Morinière depuis deux ans ?

— Au contraire, je l’avais perdu de vue. Son commerce ne lui permet point de séjourner longtemps à Paris.

Berthellemot cligna de l’œil et se gratta le bout du nez.

Aucun détail n’est superflu quand il s’agit de ces personnages historiques.

— Ce vantard de Fouché, grommela-t-il, battrait la campagne et irait chercher midi à quatorze heures ; M. Dubois resterait empêtré… moi, je tombe droit sur la piste comme un limier bien exercé.

— Mon cher monsieur Sévérin, reprit-il tout haut, en quelles circonstances avez-vous retrouvé M. Morinière, votre compère et compagnon ?

— À la Morgue.

— Récemment ?

— Hier matin… Il venait là, bien triste et tout tremblant, pour s’assurer que le corps de son fils n’était point posé dans le caveau.

— Mais, sarpebleu ! s’écria Berthellemot, je ne connais pas de fils adulte à Georges Cadoudal ! Parole !

Jean-Pierre ne répondit pas.

Berthellemot reprit :

— Me voilà tout à vous pour notre petite affaire de la jeune fille enlevée. Vous ne sauriez croire, mon voisin, combien cet ordre d’idées m’intéresse et fait travailler mon ardente imagination. Si Paris possède une goule, il faut que je la trouve, que je l’examine, que je la décrive… Vous savez que ces personnes ont des lèvres qui les trahissent… Que j’aie seulement un petit bout de trace, et j’arriverai tout net à l’antre, à la caverne, à la tombe où s’abrite le monstre…