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LE BOSSU.

et mes actions de grâce, mal exprimées, partent au moins du fond du cœur.

Tout ceci fut prononcé avec une mesure parfaite, de cette voix chaleureuse et sonore qui est le privilège des Italiens du Nord.

C’était l’exorde. Gonzague sembla se recueillir. Son front s’inclina et ses yeux s’abaissèrent.

— Philippe de Lorraine, duc de Nevers, continua-t-il d’un accent plus sourd, était mon cousin par le sang, mon frère par le cœur… Nous avons mis en commun les jours de notre jeunesse… Je puis dire que nos deux âmes n’en faisaient qu’une, tant nous partagions étroitement nos peines comme nos joies… C’était un généreux prince, et Dieu seul sait quelle gloire était réservée à son âge mûr… Celui qui tient dans sa main puissante la destinée des grands de la terre voulut arrêter le jeune aigle à l’heure même où il prenait son vol… Nevers mourut avant que son cinquième lustre ne fût achevé… Dans ma vie, souvent et durement éprouvée, je ne me souviens pas d’avoir reçu de coup plus cruel… Je puis parler ici pour tout le monde : dix-huit ans écoulés depuis la nuit fatale n’ont point adouci l’amertume de nos regrets… Sa mémoire est là ! s’interrompit-il en posant la main sur son cœur et en faisant trembler sa voix ; — sa mémoire vivante,