Page:Féval - Le Bossu (1857) vol 1-3.djvu/450

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
16
LE BOSSU.

» Vers trois heures de nuit, nous quittâmes la maison, montés sur une grande vieille mule qu’Henri avait prise à l’écurie et pour laquelle il jeta deux pièces d’or sur la table.

» En partant, il dit au mari et la femme :

» — S’ils reviennent, présentez-leur les compliments du chevalier de Lagardère et dites-leur ceci : « Dieu et la Vierge protégent l’orpheline… » En ce moment, Lagardère n’a pas le loisir de s’occuper d’eux… mais l’heure viendra !

» La vieille grande mule valait mieux qu’elle n’en avait l’air. Nous arrivâmes à Estella vers le point du jour et nous fîmes marché avec un arriero pour gagner Burgos, de l’autre côté des montagnes. Henri voulait s’éloigner définitivement des frontières de France. Ses ennemis étaient des Français.

» Il avait dessein de ne s’arrêter qu’à Madrid.

» Nous autres, pauvres enfants, nous avons le champ libre. Notre imagination travaille toujours, dès qu’il s’agit de nos parents inconnus. — Êtes-vous bien riche, ma mère ? — Il faut que vous soyez grande pour que cette poursuite obstinée se soit attachée à votre fille.

» Si vous êtes riche, vous ne pouvez guère vous faire idée d’un long voyage, à travers cette belle et noble terre d’Espagne, étalant sa misère