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LE BOSSU.

spectres dans ses rêves ; l’Allemand avait massacré deux gaugraves, trois margraves, cinq rhingraves et un landgrave : il cherchait un burgrave.

Et ce n’était rien auprès des trois Espagnols, qui se fussent noyés aisément dans le sang de leurs innombrables victimes.

Pépé le tueur (el Matador) ne parlait jamais que d’embrocher trois hommes à la fois.

Nous ne saurons rien dire de plus flatteur à la louange de notre Gascon et de notre Normand : ils jouissaient de la considération générale dans ce conseil de tranche-montagnes.

Quand on eut bu la première tournée de brocs et que le brouhaha des vanteries se fut un peu apaisé, Cocardasse dit :

— Maintenant, mes mignons, causons de nos affaires.

On appela la fille d’auberge, tremblante au milieu de ces cannibales, et on lui demanda d’apporter d’autre vin.

C’était une grosse brune un peu louche, Passepoil avait déjà dirigé vers elle l’artillerie de ses regards amoureux ; il voulut la suivre pour lui parler, sous prétexte d’avoir du vin plus frais ; mais Cocardasse le saisit au collet.

— Tu as promis de maîtriser tes passions, mon bon, lui dit-il avec dignité.