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LE BOSSU.

cette monnaie odieuse : la reconnaissance ?… Si la grande dame pour qui j’aurais risqué mon honneur et ma vie ne pouvait pas m’aimer,… parce qu’elle serait en haut et moi en bas,… je m’en irais si loin que je ne saurais même pas si elle m’insulte de sa reconnaissance !

» Ma mère, je suis sûre que le bossu lui avait parlé de vous.

» Oh ! c’est que c’est bien vrai ! Il a risqué pour votre fille son honneur et sa vie. Il a fait plus, beaucoup plus : il a donné à votre fille dix-huit années de sa fière jeunesse.

» Avec quoi payer cette largesse inouïe ?

» Ma mère ! ma mère ! comme il se trompe, n’est-ce pas ? Comme vous l’aimerez ! comme vous me mépriseriez, si tout mon cœur, sauf la part qui est à vous, n’était pas à lui !

» Je n’osais dire cela, parce que, en sa présence, quelque chose me retient souvent de parler. Je sens que je redeviens timide, autrement, mais bien plus qu’au temps de mon enfance.

» Mon Dieu ! il y a des choses impossibles. Henri, mon sauveur, mon père, mon bienfaiteur ! Henri, craindre ma mère !

» Mais ce ne serait pas de l’ingratitude, cela, ce serait de l’infamie ! Mais je suis à lui ; mon corps et mon âme : il m’a sauvée ; il m’a faite.