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LE BOSSU.

— Ah ! fit-il, chancelant comme un homme ivre, car son intelligence et sa force fléchissaient à la fois, — je ne sais pas… sur l’honneur, je ne sais plus !… Qu’y a-t-il dans mon cœur ?… La nuit… le vide !… Mon amour… mon devoir… lequel des deux, conscience !

Il se laissa choir sur un siège, murmurant de ce ton plaintif des innocents, privés de raison :

— Conscience ! conscience ! lequel des deux ?… mon devoir… mon amour ?… ma mort ou ma vie ?… Elle a des droits, cette femme !… Et moi !… moi, n’en ai-je pas aussi !

Aurore n’entendait point ces paroles qui tombaient, inarticulées, de la bouche de son ami.

Mais elle voyait sa détresse, et son cœur se brisait.

— Henri ! Henri !… dit-elle en s’agenouillant devant lui.

— Ils ne s’achètent pas, ces droits sacrés ! reprenait Lagardère en qui l’affaissement succédait à la fièvre ; ils ne s’achètent pas… même au prix de la vie !… J’ai donné ma vie : c’est vrai !… Que me doit-on pour cela ? Rien !

— Au nom de Dieu ! Henri ! mon Henri ! calmez-vous !… expliquez-vous.

— Rien !… et l’ai-je fait pour qu’on me doive quelque chose ?… Et si je l’ai fait pour qu’on