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LE BOSSU.

ment depuis dix-huit années… Lagardère enleva pour son propre compte la fille d’Aurore et les papiers, preuve de sa naissance…

— Qu’avez-vous donc prétendu hier devant le tribunal de famille ?… interrompit le régent.

— Monseigneur, répliqua Gonzague mettant à dessein de l’amertume dans son sourire, je remercie Dieu qui a permis cet interrogatoire… Je me croyais au-dessus de ces questions et c’était mon malheur… On ne peut terrasser que l’ennemi qui se montre… on ne peut réduire à néant que l’accusation qui se produit… l’ennemi se montre, l’accusation se produit : tant mieux !… vous m’avez forcé déjà d’allumer le flambeau de la vérité dans ces ténèbres que ma piété conjugale se refusait à éclairer… vous allez me forcer maintenant à vous découvrir le beau côté de ma vie… le côté noble, chrétien, modestement dévoué… J’ai rendu le bien pour le mal, monseigneur, patiemment et résolûment, cela, pendant près de vingt ans… j’ai vaqué nuit et jour à un travail silencieux pour lequel j’ai risqué bien souvent mon existence… j’ai prodigué ma fortune immense… j’ai fait taire la voix entraînante de mon ambition… j’ai donné ce qui me restait de jeunesse et de force, j’ai donné une part de mon sang…