Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 1-2.djvu/169

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Ah !… fit le chevalier d’un ton joyeux ; le petit drôle vous a insulté !…

— Oui, oui, répondit Verdier dont la joue bronzée se couvrit d’un léger incarnat ; c’est au café Piron, dans le quartier latin… Le petit coquin est joueur comme les cartes… je l’ai accusé d’avoir triché… et ma foi, il m’a répondu en me jetant un verre de bière à la figure.

Le chevalier éclata de rire.

— Parlez-moi de cela ! s’écria-t-il, voilà une affaire bien amenée… vous aurez vos cent louis, mon garçon… et, si l’affaire se dénoue comme il faut, je vous réserve une surprise… vous serez content de moi !

Le chevalier tira de son gousset une montre d’or, large et plate comme un écu de six livres.

— Bientôt quatre heures ! reprit-il après l’avoir consultée, je devrais être déjà chez la vicomtesse… et pourtant je voudrais bien savoir quelques détails de plus… C’est à l’épée que vous allez vous battre ?

— À l’épée, répondit Verdier.

— Et dans quel endroit ?

Le bruit des voitures, qui redoubla en ce moment, empêcha notre inconnu d’entendre la réponse de Verdier. L’homme au paletot blanc était dans le même cas, car il répéta sa question.

L’étranger tendit l’oreille.

Mais, cette fois encore, ce fut en vain.

Au moment où Verdier ouvrait la bouche, une voix d’adolescent, vibrante et sonore, s’éleva tout près du trottoir et détourna l’attention de l’étranger.

Un fiacre passait au pas devant la rue des Fontaines ; par la portière ouverte, une tête d’enfant, espiègle et charmante, se penchait au dehors. C’était un visage délicat et fin, entouré de cheveux blonds si beaux et si doux, qu’on les eût voulus sur un front de vierge. Sous cette parure presque féminine, il y avait des yeux hardis et mutins, qui cachaient à demi leur azur foncé sous de longs cils de soie. Une bouche rose au sourire franc et insoucieux, des joues pleines qui gardaient le velouté de l’enfance sous une légère couche de pâleur, fruit précoce de quelques jours de fatigue ou de quelques nuits de plaisir.