— En vous quittant tout à l’heure, dit-il, je vais me rendre sur le terrain.
— Ah !… fit Sara vivement.
Puis elle ajouta avec plus de froideur :
— Quelque dispute de bal ?
— Non pas, Louise… Une insulte grave… un duel à mort !
— Avec un enfant comme vous ?
— Avec un spadassin fieffé… un homme qui va me tuer comme une alouette !
Les yeux de Sara eurent un éclair de joie, tandis que sa voix se faisait compatissante :
— Mon pauvre Franz ! murmura-t-elle.
Elle mit sa tête contre celle du jeune homme et ajouta d’un ton mignard :
— Je ne veux pas que vous vous battiez, Franz !
Celui-ci porta une seconde fois la jolie main de Petite à ses lèvres.
— Merci ! dit-il encore. Vous avez un bon cœur, Louise… Mais un homme ne peut écouter ces sortes de prières.
Sara garda le silence ; elle était tombée dans une subite rêverie et regardait Franz fixement :
— Si c’était cela ?… murmura-t-elle enfin, sans savoir qu’elle parlait.
— Cela, quoi ? demanda Franz.
Madame de Laurens tressaillit, puis elle essaya de sourire.
— Je ne sais, dit-elle ; vous m’avez mis du noir au cœur, Franz… Cet homme est donc bien redoutable ?
— Vous ne le connaissez pas, Louise, parce que vous êtes une femme ; mais sa réputation est faite parmi nous autres hommes… C’est égal ! ajouta-t-il gaiement, je vous promets que je vais m’escrimer de mon mieux !
Il prit son couteau de table et tourna deux ou trois fois le poignet.
— Marchez, parez le contre de quarte et ripostez vivement ! dit-il en riant de tout son cœur ; — ah ! ah ! morbleu, nous allons voir !…
Petite rêvait toujours.