Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 1-2.djvu/305

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Le baron de Rodach !… s’écrièrent les deux femmes en même temps.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

L’homme qui faisait sentinelle au dehors, sur le boulevard, était toujours à son poste. Il l’avait quitté une seule fois pour aller chercher une voiture à la station voisine, et cette voiture était arrêtée maintenant devant le café Anglais.

Notre homme et le cocher avait eu quelques minutes d’entretien, après quoi le cocher, souriant et hochant la tête d’un air d’intelligence, avait reçu deux louis.

En sortant du café Anglais, Franz avisa la voiture et y monta sans dire gare, suivi par Julien d’Audemer, qui tournait la tête et regardait encore les fenêtres du bienheureux cabinet, où il avait laissé ses belles amours.

— Bois de Boulogne, porte Maillot ! s’écria Franz. Brûlez le pavé !

D’ordinaire, les cochers de fiacre ne brillent point par une activité dévorante, mais celui de la voiture en question était bien le plus lent de tous les cochers.

Il ôta méthodiquement les sacs de toile qui pendaient aux naseaux de ses rosses ; il visita les traits, éprouva les guides et mit deux bonnes minutes à jeter, sur ses épaules le sextuple collet de son gros carrik.

— Allez donc ! criait Franz, — allez donc !…

L’enseigne regardait mélancoliquement l’entresol du café Anglais et ses croisées closes…

Le cocher vint à la portière. Il tira de sa poche une boîte de fer-blanc microscopique, qu’il fit semblant de vouloir ouvrir. Ses énormes gants de tricot l’embarrassaient, et la petite boîte ne s’ouvrait point.

— Allez donc ! malheureux ! criait Franz, qui s’agitait sur les durs coussins du fiacre.

— Bourgeois, répondit le cocher ; c’est le numéro…

— Que le diable vous emporte avec votre numéro !… Je vous dis de marcher et que vous serez content du pourboire…

— J’entends bien, bourgeois… mais j’ai une femme et trois pauvres petits enfants ; faut donner du pain à toute c’te marmaille, et nous sommes mis à pied quand nous ne fournissons pas de numéros…