Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 1-2.djvu/360

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— Pour moi ? s’écria Franz étonné.

Gertraud le tira par le bras et tâcha de l’entraîner vers la chambre de Hans.

— Venez, venez, reprit-elle tout bas ; s’il savait que vous êtes là, il me gronderait… il y a plus d’une heure qu’il vous attend…

Cette petite scène n’avait pas duré une minute, et pourtant le pauvre Hans n’espérait plus. Il était toujours à la même place, les coudes appuyés sur sa table de travail et la tête entre ses deux mains.

Les paroles prononcées dans la chambre voisine arrivaient à son oreille comme un murmure. Il savait bien que celui qu’il attendait ne s’arrêterait pas à causer en chemin.

Au premier moment, il n’avait pas osé s’avancer lui-même vers la porte, tant son espoir mêlé de crainte l’avait saisi violemment au cœur. Puis, le premier moment passé, espoir et crainte s’étaient évanouis à la fois.

Puisque le nouveau venu s’arrêtait dans la chambre de Gertraud, ce n’était pas Rodach. — Le reste lui importait peu.

Il était retombé dans son atonie morne, et ne prêtait l’oreille qu’aux bruits du dehors…

Franz se laissait entraîner par Gertraud.

— Ah çà ! disait-il, votre père est décidément la perle des hommes !… Hier, il m’a donné ce que j’ai voulu de ma garde-robe… et, ce matin, il m’a valu vos prières qui doivent être si douces à l’oreille de Dieu…

— Venez ! venez ! répétait Gertraud.

En dépassant le seuil de la chambre, elle dit bien doucement :

— Mon père… le voilà… c’est lui !

Hans se retourna lentement. Quand il aperçut la belle et souriante figure de Franz, il poussa un cri et se leva de son haut.

Tous ses membres tremblaient, et il semblait qu’il ne pouvait supporter sa joie trop forte.

— Gunther !… murmura-t-il. Mon Dieu ! soyez béni !…

Il croisa les bras sur sa poitrine et leva les yeux au ciel avec une reconnaissance passionnée.