Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 1-2.djvu/384

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bras prêts à servir leur lâche perfidie… Verdier terrassé, un autre se lèvera… et je ne serai pas là toujours pour mettre ma poitrine au-devant de leurs épées.

— Gracieux seigneur, dit Hans, je ne sais pas de qui vous parlez ?…

Rodach le regarda, comme s’il n’eût point compris la question.

— Geldberg et compagnie, demanda-t-il, au lieu de répondre, demeurent-ils toujours rue de la Ville-l’Évêque, à leur ancien hôtel ?

— Toujours, répliqua Hans.

Les yeux de Rodach devenaient fixes et accusaient l’effort de sa méditation laborieuse.

— Et puis, reprit-il tout à coup, — l’épée n’est qu’un moyen… pour tuer un homme, on a dix expédients plus sûrs et moins faciles à déjouer… Il faut savoir !… Il faut savoir et commencer la lutte tout de suite !

Sa main étendue saisit l’une des poignées de la cassette et l’attira à lui d’un geste brusque.

Il fixa sur Hans Dorn ce regard, perçant et grave à la fois, qui allait réveiller au fond du cœur du bon marchand d’habits tout un monde de sentiments et de souvenirs.

— Ceci est l’espoir de Bluthaupt… murmura-t-il.

Hans se pencha involontairement. — Rodach reprit :

— Ce sont les seules armes que je possède pour combattre ces hommes qui détiennent l’héritage des comtes… Ils sont bien forts et ne reculent devant rien… Mais, à l’aide de ce talisman, j’espère les vaincre.

Hans ouvrait de grands yeux et regardait la cassette, comme si c’eût été un objet surnaturel.

— Je crois en vous, ami Dorn, continua le baron de Rodach, sans cesser de le regarder en face : — si je connaissais au monde un homme plus fidèle et plus dévoué que vous, j’irais le trouver pour lui confier mon trésor.

Hans mit sa main sur sa poitrine et dit avec une gratitude recueillie.

— Gracieux seigneur, merci !… je suis tout à vous, et le dépôt confié par le fils de votre père ne me quittera qu’avec la vie.

— Je le crois, répondit Rodach, — et je remets à votre garde l’espérance de Bluthaupt… Soyez discret, Hans Dorn, même auprès de votre